lundi 3 décembre 2007

LE BUISSON d'épines



                        
                   




Je vous écris d’un siècle lointain
D’une autre planète
Mon langage sûrement n’est pas le vôtre
Ni les voix
Ni les mots
Ni les codes
Et je pense aux peuples évanouis
Dont nul ne comprend ce qu’ils ont écrit



                           




Pourtant j’ai marché sur la piste
Et je marcherai
Sentes boueuses
Caillouteuses
Le temps d’un soupir








Et je dirai le buisson
Le buisson des pèlerins
Épineux
Sec
J’ai noué à sa branche un brin de laine
Rouge
J’ai accompli le rite
Dont les raisons se sont perdues






Les vents se sont étouffés
Pendent mille brins
Bandelettes et rubans
Inertes





Depuis des temps très lointains
Et venus de pays inconnus
Tous les pèlerins ont ici accompli le rite
Le buisson d’épines semble un fantôme
Un épouvantail à moineaux
Mais il n’y a pas de moineaux ici
Et quand se lève le vent
C’est en vain que le buisson agite ses guenilles






Commémoration ?
Prière ?
J’ai attaché un brin de laine rouge
Que décolorera le temps longtemps






Sentes fangeuses
Caillouteuses
J’ai marché sur la piste
Et je marcherai
Le temps d’un soupir







J’ai posé ma pierre
Sur le cairn au bord du chemin
J’ai accompli le rite
Comme tout pèlerin qui passe ici
J’aurai posé une pierre sur une autre
Prière
Ou bien commémoration
Marque d’un code perdu ?




Croix sur un treillis de grillage
Deux brindilles en croix
Prières ou mémorials ?
Milliers de croix toutes petites
Les rites sont accomplis



Ô vous pour qui j’écris cette lettre
D’un siècle lointain
Et d’une autre planète
Le vent aura depuis longtemps arraché le buisson d’épines
Le cairn aura disparu sans aucun doute
Et les brindilles des croix
Je suis passé là
Pèlerin d’un siècle oublié





28.12.07

lundi 3 septembre 2007

HORS-TAXES

C’est à Dahran
Bahrein
Ou bien Abou Dhabi
Des lampadaires éclairent la nuit
C’est dans le désert
Les autoroutes filent
Rectilignes
Des torchères flambent
Des pontons
Des navires
Des feux clignottants
Blancs
Verts
Rouges
Et puis un tapis de lumières
Là où se devine la ville


Atterrissage en douceur
Dunes à droites
Dunes à gauche


-”Mesdames et Messieurs les passagers sont priés d’enfermer dans les coffres à bagages les magazines qui sont en leur possession et les bouteilles de boissons alcoolisées ...”


Ma voisine ajuste le voile qu’elle a sorti de son sac :
Elle descend ici


-” Quarante cinq minutes d’escale”


Bancs de bois
Limonades
Pas une présence féminine
Mais la boutique hors-taxes !
Torrents de rubis de saphirs de diamants d’émeraudes
Il y a même des voitures de sport et des limousines...
11.02.07

LA VIE

La Vie
Vagues lentes longues
Haleine profonde
Mais qui donc ici respire paisiblement ?


Un oiseau blanc flotte
Montant descendant
Au rythme de l’océan


Tout à coup
L’eau se met à bouillir
L’oiseau s’envole


Étincelles ardentes par milliers
Le fretin saute
Frénétiquement


Venus d’on ne sait où
Les oiseaux plongent
Par centaines en criant


Les thons chassent en bancs
Passent leurs grandes ombres bleues
L’océan bouillonne plus encore


Viennent d’autres ombres plus sombres
Et ce sont les thons qui sautent
Haut et virevoltant
Les poissons-volants se dressant
Fuient à la godille
éperduement
zigzaguant dans tous les sens


C’est la vie qui se manifeste ainsi
De la mort jaillit la vie
Et la vie ne se maintient que par la mort
Puis en un clin d’oeil le ciel et l’océan se vident
5.02.07

LES BONZES

Bonzes bonzillons
Robes couleur d’orange
Vont en file lente
Un vase entre les mains
Crâne nu
Une épaule aussi
Les pieds nus dans des sandales




Certains sont des enfants
D’autres des vieillards
Chaque matin ils passent en file lente
Les femmes les attendent
L’une offre du riz
L’autre des fruits
Les bonzes saluent et remercient




Chaque matin ils passent
En file lente
Puis ils retournent à la Pagode
Sont-ils si différents
Ou bien c’est seulement la couleur qui change ?




3.02.07

dimanche 2 septembre 2007

TORRES DEL PAINE CHILI

Soudain le voile se fendit
Comme si quelqu’un
ouvrait une fermeture à glissière


La montagne parut tout entière
Dorée
En pleine lumière


Deux tours de basalte séparées du haut en bas
par une brèche vive
Puis la brume se dissipa tandis que se levait le vent


Dans l’uniformité des landes étaient sertis trois lacs
L’un bleu
L’autre gris
Le dernier d’émeraude
Un glacier avançait le front jusqu’au bord de l’eau


Les genêts en fleurs formaient une incroyable chasuble brodée d’or
Un guanaco dressa la tête
Passa un couple de renards bleus


Puis les nuages se resserrèrent
C’était un rêve ?




24.01.07

LE MÉKONG A VIENTIANE

Un matin
J’ouvre mes fenêtres
Le ciel est lourd
Noir
L’air est chaud
Les crapauds ont mugi toute la nuit
Il pleuvait à verse tout à l’heure
La mousson est arrivée
*
Une digue a dû lâcher
Sur la terrasse du jardin
Des poissons se promènent
De toutes les couleurs











21.01.07

LES CARDINAUX DE MADAGASCAR

(Les cardinaux de Madagascar)












Une dame créole frappe dans ses mains
Brusquement il pleut
Il pleut des oiseaux
Une averse d’oiseaux
Drue
D’où venus
Nul ne saurait le dire
A cinq heures chaque jour
Jaunes
Orange
Rouges
Une centaine d’oiseaux
Semblables à des serins
Ils picorent les grains
Sous la varangue
Et repartent comme ils sont venus
Tous ensemble
Vers une autre maison
Où quelqu’un les appelle



21.01.07

ARANYAPRATHET

Au marché, derrière les étalages d’orchidées,
une femme vend des paniers ...
Un petit singe attaché avec une vulgaire ficelle.
Il mange.


Il arrache avec les mains, avec les dents, la chair qui est à l’intérieur d’une carapace de tortue sans plastron.


Répugnant : Il nous ressemble trop.

SANTIAGO DU CHILI

Du haut de la colline
La Virgencita berce la cité entre ses bras
Les neiges des Andes
Lui font un manteau blanc
*
Pourtant ils sont venus à cheval
Arrivant de la lointaine Castille
Ils ont posé leurs cuirasses
Ils ont bâti la ville
*
Pedro de Valdivia caracole encore
sur la Plaza de Armas
près de la cathédrale barroque
qu’offense une tour de verre
*
Le fleuve Mapucho a roulé des flots de sang
que l’eau des glaces n’a pas encore lavés
*
Sur la Plaza de Armas
Le visage brisé d’un Indien est inscrit dans le granit

Comme un reproche
Ou bien comme un remords






13.01.07

LE COLIBRI

Il a des battements d’ailes vibratoires si rapides que l’on ne voit que le reflet de ses couleurs métalliques.
Il arrive d’un trait, rectiligne, venu l’on ne sait d’où.
Il s’arrête tout aussi subitement, devant une fleur d’hibiscus épanouie.

Il fait du sur-place un moment, plonge son bec tout au fond du calice, son bec qu’il a fin et recourbé vers le bas.
Les battements de ses ailes s’accélèrent.
Il suce le suc de la fleur.
Il prend du recul ... Eh oui, il peut voler à reculons!

J’ai eu la chance, un jour, de libérer un colibri qui était prisonnier d’une toile d’araignée, dans la haie de mon jardin ...

Le nid du colibri tiendrait dans un petit verre à liqueur ... Sans doute pas tout à fait dans un dé à coudre.






12.01.07

VALPARAISO

Valparaiso


Ruée vers la Californie
Hardi les gars
Vire au guindeau !


Tafia à pleins barils
Accordéon
Des filles et des chansons


Funiculaires bringuebalants
Maisons de bois dans le faubourg
Souvent de guingois


Au long des trottoirs s’étalent
De misérables brocantes
Des fruits et du poisson


Mais la ville en gradins
N’est que fantôme
Aux façades les corniches sont carriées


Dans le port trois ou quatre navires d’acier
Là où mouillaient l’Ambassador
Et le Cuty Sark son frère jumeau


Dans les bars à tango
Souvenez-vous des matelots
Accordéon
Des filles et des chansons





10.01.07

LE CANAL DE MAGELLAN

Comment dire ?
C’est un monde minéral
En quatre jours j’ai vu un seul oiseau


Un rêve très étrange
L’impression de planer sur un tapis volant
Je glissais au-dessus d’un fleuve couleur d’étain vieilli
Et le ciel aussi était d’étain
On n’en voyait d’ailleurs qu’une lanière découpée
Tout en haut
Comme un couvercle faiblement halogène entre les falaises abruptes
Vertigineuses
Le navire avançant tout au fond d’une monstrueuse
* faille de rocaille grise
La nuit parfois scintillaient de froides étoiles
Arbres morts
Labyrinthes de très étroits canaux
Fronts deS glaciers bleus
Bouées noires
Et l’épave d’un navire écorché
Glaçons partant à la dérive
Chutes d’eau
Pas une fumée
Pas une cabane
Pas une vie
L’impression très étrange de pénétrer dans un autre monde
J’avais rêvé de grands voiliers à trois ou quatre mâts
De baleines et de rorquals
D’albatros
Rien
Rien que le canal lisse
Unicolore
Muet
J’avais rêvé d’orpailleurs
De trappeurs
De guanacos en liberté
Je n’ai rencontré rien de tout cela
Mais contemplé
L’indicible et effrayante beauté 7.01.07

VOL DE NUIT




Chuintement des réacteurs
continu
Dans le hublot
la soie de la nuit
*
Mais les villes

une ville dans la nuit
Dix mille mètres
Téhéran tapis magique
arabesques et couleurs
Ou bien l’on pense à l’art des verriers
Rosaces des cathédrales
Iris pivoines nymphéas
rubis saphirs opales aigues-marines
oeil de tigre oeil de chat
améthistes
pierres de lune
topazes par milliers
plumage versicolore du colibri
Incroyable manteau des amants de Gustav Klimt
jeté sur les déserts d’Ispahan
*
Dubaï posée sur l’eau phosphorescente
torchères allumées
Dahran où clignotent les feux des navires méthaniers
Longues avenues
halos des réverbères par milliers
*
NewYork
dans un océan d’obscurité
traversé de fleuves de lumières
se coupant à angles droits
estacades sur lesquelles glissent
en permanence les phares des automobiles
*
Hambourg Amsterdam
Les flambeaux des usines
Les feux des forges toujours allumés
Et l’infime étoile qui scintille seule
dans la nuit au beau-milieu de l’Alaska
ou de la Patagonie 05.01.07

LE BONHEUR

Une tranche de pastèque




Une longue plage ensoleillée




Et cracher les pépins à la face du destin ...

LES GRANDS PÉLAGIQUES

Ni les poissons casaniers
Papillons aux jardins du corail
Ni les prédateurs embusqués
Mais les grands voyageurs
Conduits par d’insatiables faims
Qui parcourent les vastes océans


Ce sont des êtres de grande race
A la musculature puissante et souple
Leur peau est bleue souvent, niellée de filets d’or
Ils vont en grandes compagnies
Qui les mène ?
Où leurs guides, leurs cartes leurs balises ?


L’espace est infiniment multidirectionnel
En haut ? En bas ? - Qu’importe !
A gauche, à droite ?
Et si rien n’importe, pourquoi ces brusques changements de direction ?
Quel est le Chef ? Qui est le Roi ?


D’un vieux tronc d’arbre flottant ils feront un prophète ou leur dieu

13.05.07

YAWHE

Île de Tanna



                                        
                                        Toile de Gérard Stricher


Le volcan Yassour est le nombril du monde
Comme il se doit
De son cratère sont sorties
Toute matière et toute vie

Renaclements rugissements
Vomissements nuages noirs nuages gris
Des gloires de fusées dans la nuit
De temps à autre tremblements

Plaine de sable noir
Bombes chaudes encore
Le lac Siwi d’un vert léger
Ou jaune soufre

Fumerolles sources bouillantes
Un malheureux pandanus accroche ses griffes à la pente
Tout ici est sacré
Angoissante mesure de l’homme

L’autre nom de ce volcan est celui de Dieu
On ne le prononce pas.

8..03.02

VOLCANS

Tout va bien
Nous avons quitté Santiago depuis près d’une heure
Les réacteurs chuintent régulièrement
Ma voisine dort
La cabine est emplie d’une lumière douce
Pas un cahot
Nous survolons la Cordillère des Andes
Cachée sous une mer de nuages
Ininterrompue
D’un blanc luminescent
Nous allons vers Puerto Montt


Trouée
Montagnes enneigées
Vallées
Longs torrents étroits
Rectilignes
Glaciers
Pas une vie


A nouveau les nuages
Seuls émergent les sommets de trois volcans
Incongrus
Trois cônes parfaits
D’où s’élèvent de légères fumées
Le plus éloigné doit être celui du volcan Osorno
Araucanie !
L’appareil plonge vers le terrain d’atterrissage
L’Océan
Chiloé !




7.03.02

LA POÉSIE

Je dis : papillon




Et la fleur s’envole ...
















4.06.07

LA VALLÉE DE MAI

Sentier très étroit
Forêt d’avant le déluge
A chaque instant on s’attend à voir un diplodocus
Surgir
Entre les fougères el les palmiers
Cocotiers immenses
Larges feuilles de taros
Oreilles d’éléphants
Mains ouvertes des philodendrons
Pointes lancéolées de la vanille
Palmes tombées jaunes ou rousses
Un filet d’eau courante
Mousses et lichens
Une orchidée épiphyte
Noix doubles
L’inflorescence mâle est un phallus dressé
On dit
Il faut le croire
On dit que par les nuits sans lune
Les cocotiers de mer s’en vont deux par deux
Au fond de l’océan
Lorsqu’ils reviennent
Ils ont produit des noix
Faut-il y croire ?
.....



9.02.07